La Rose de Damas, du Moyen-Orient aux vallées de Dadès et du M’goun

À l’arrivée du mois de mai, au coeur du Haut Atlas, entre les vallées du Dadès et du M’goun, l’ocre vif caractéristique des terres du Draa et le vert franc des palmeraies se parent d’un délicat rose pastel. Les pétales de la reine des roses s’épanouissent, imprégnant la région de son parfum capiteux, invitant les âmes à un voyage à travers les senteurs subtiles. La Rose de Damas fait partie des espèces les plus anciennes des Rosacées et les premiers fossiles de rosier découverts remontent à l’Oligocène, il y a plus de 35 millions d’années.

Comme l’indique son nom scientifique, la «Rosa damascena » est originaire du Moyen- Orient où la plante pousse jusqu’à présent de manière spontanée en Syrie, en Iran et au Caucase. Au Maroc, revêtant une grande importance pour les agriculteurs du Grand Sud, cette plante merveilleuse a fait l’objet d’une étude agro-morphologique, chimique et moléculaire à l’Université Ibn Zohr d’Agadir. Nous vous proposons ainsi une lecture croustillante qui vous permettra de mieux découvrir la rose de Damas grâce aux éclairages tirées de cette étude doctorale réalisée par le Dr Amal Aït Hida.

Dans la famille des « Rosacae » se trouvent plus de 45 espèces sauvages du genre « Rosa ». Ces dernières sont réunies par des caractéristiques physiologiques proches de celles de la Rose de Damas. Toutes s’identifient en effet par des tiges fermes, généralement épineuses, des feuilles caduques, pennées et stipulées ainsi que des fleurs souvent blanches ou roses, solitaires ou regroupées en corymbes, à la façon d’un bouquet.

En plus des espèces sauvages, le genre « Rosa » comporte une multitude d’espèces hybrides cultivées, issues essentiellement de croisements complexes entre des espèces d’Europe de l’Est et des espèces d’Asie, dont « Rosa damascena ». Les botanistes distinguent deux variétés de Rose de Damas selon la période de floraison : d’une part, « Rosa damascena nothovar. damascena » à courte période de floraison, seulement en été, et d’autre part, « Rosa damascena. semperflorens », dont la période de floraison prolongée débute au mois de mai et s’étend jusqu’en automne.

Entre rose de Damas et rose de Dadès, l’histoire du Maroc

La rose à parfum dispose d’une grande aire de répartition géographique au niveau mondial. Cependant, sa culture massive se concentre dans quelques pays d’Europe (France, Bulgarie), d’Asie et du Moyen-Orient (Turquie, Iran, Syrie, Egypte…) et d’Afrique, notamment au Maroc.

Au niveau national, la Rose de Damas est plutôt connue sous le nom de la Rose du Dadès, en référence à la vallée du Dadès dans la région d’Ouarzazate. Il est supposé que la première introduction en a été faite par des pèlerins du Sud-Est du Maroc au Xe siècle, bien que certaines sources rapportent que la culture et le développement des techniques d’extraction se sont établis au Maroc bien avant l’ère islamique par les populations juives qui habitaient la région, ainsi que par les commerçants des caravanes en provenance d’Inde et d’Iran. Aujourd’hui, cette industrie s’étend sur plus de 4200 km linéaire, sous forme de haies ou de clôtures, le long des terres cultivées de la vallée du Dadès, fournissant un revenu de 35 000 Dhs par hectare avec un rendement de 4000 tonnes par an de roses fraîches. Ainsi, la rose couvre l’équivalent d’une superficie de 1200 hectares, soit plus de 10% de l’espace agricole cultivé dans la région.

Une plante aux vertus diverses

Depuis l’antiquité, la Rose de Damas a toujours été prisée, tant pour son parfum que pour ses vertus thérapeutiques. Tantôt séchée, tantôt fraîche, elle est utilisée à plusieurs fins allant de la parfumerie, de la décoration, notamment lors des cérémonies, à la gastronomie en passant par l’usage à des fins thérapeutiques.

Les boutons floraux fermés sont utilisés en infusion ou en tisane pour apaiser les maux d’estomac et faciliter la digestion. La concrète (pâte) et l’huile essentielle sont destinées à l’exportation pour un usage en industrie cosmétique et en parfumerie.

Techniques d’extraction et de distillation de la rose

Le parfum de la Rose de Damas comporte plus de 400 molécules et composés volatiles émis par les différentes parties de la fleur. Les molécules odorantes formant ceparfum appartiennent essentiellement à trois familles : les terpénoïdes, les composés aromatiques et les dérivés d’acides gras. Les terpénoïdes et les alcools benzyliques qui dominent la fragrance des roses sont synthétisés au niveau des pétales, tandis que les autres composants sont émis au niveau des autres parties de la rose.

Plusieurs techniques ont été mises au point en vue d’extraire des produits aux parfums et textures variés. De nos jours, l’hydrodistillation est la technique la plus courante pour obtenir l’huile essentielle de la rose, bien que le rendement soit assez faible. Il faut entre 4000kg et 7000 kg de roses fraîches pour produire 1 kg d’huile essentielle. Ce qui explique le prix élevé de cette dernière. Autre technique assez courante, l’extraction par solvant. Dans cette technique, les fleurs sont macérées dans un solvant organique qui, à son tour, est éliminé par évaporation pour ne garder que la concrète de rose, une pâte très parfumée. Remises dans une solution alcoolique, les cires composant la concrète sont éliminées et l’alcool vaporisé sous vide pour obtenir l’absolue de rose, un liquide onéreux, très utilisé en cosmétique et en parfumerie. D’autres techniques réputées coûteuses comme l’enfleurage, sont tombées en désuétude et ont laissé place aux techniques précitées.

Le Maroc est le troisième producteur mondial de « Rosa damascena »

Le moussem des roses de Kelâat-M’Gouna

Événement culturel très attendu dans le Sud du Maroc, notamment dans la ville de Kelâat-M’Gouna, le moussem est célébré chaque année après la récolte des roses. Cette période correspondant au mois de mai est une des plus belles fêtes du Royaume et se déroule sous une pluie de pétales et d’activités prisées par les habitants, ainsi que les nombreux touristes nationaux et étrangers qui viennent assister au programme. Chants, danses folkloriques, défilés et commerces sont, entre autres, les activités d’animation du moussem. En plus de cette ambiance festive et commerciale, la fête met en valeur la grâce féminine avec l’élection très convoitée de Miss Rose qui se tient généralement au premier jour du festival.